En janvier 2012, AXA lance un produit qui garanti l'usurpation d’identité, l'atteinte à l’e-réputation en plus des litiges suite à l’achat en ligne d’un produit ou d’un service et l'utilisation frauduleuse de la carte bancaire et des moyens de paiement (AXA Protection Familiale Intég@leimage du site AXA Protection Familiale Intég@le).

Situation

Le lancement survient sur un marché saturé, celui de la Garantie des Accidents de la Vie (GAV pour les assureurs). Il y avait donc lieu de trouver soit de nouvelles parts de marché, soit d'obtenir un avantage concurrentiel pour prendre des parts de marché aux concurrents.

La veille concurrentielle montrait que 2 produits avaient déjà couvert ce nouveau risque d'entâchement de la réputation : dès 2009, le courtier Gras Savoye, connu pour ses produits très ciblés avait proposé un premier produit suivi deux ans après par SwissLife (cf article du site owni.fr, sur 20minutes ou du magazine Stratégies).

D'autre part, AXA avait déjà tenté de se faire une place sur le Net sur la protection de la vie privée grâce à un site de prévention. Le site n'avait pas eu un franc succès, les vidéos associées n'avaient pas été vues plus de quelques centaines de fois (sauf la vidéo "1 minute = 1 conseil de Bon Sens Numérique Comment prendre garde à l'intimité de votre privée?" qui a été vue 1 500 fois, peut-être parce qu'elle était sous-titrée "comme sortir nu pour aller acheter du pain").

Objectifs

  1. Aucune information n'a filtré sur l'objectif initial d'AXA. On peut imaginer qu'ils souhaitaient protéger leur part de marché ou l'étendre; il n'est pas vraisemblable qu'ils aient eu des objectifs plus ambitieux sur un produit coûtant quelques dizaines d'euros.
  2. Il semble, par contre, qu'AXA ait souhaité imposer sa notoriété sur le "2.0".

Leurs concurrents sont essentiellement des créateurs de produits en marque blanche; leur positionnement aurait pu être plus différenciant mais de nouveau, ce type de produit ne peut changer de façon significative les résultats d'entreprise pesant respectivement 563 M€, 560 M€, 90,971 Md€ pour Gras Savoye, SwissLife et AXA en 2010.

Stratégie

AXA a choisi de créer une option à un produit existant qui laisserait penser qu'il s'agissait de la deuxième stratégie (distributive); toutefois, cette option très novatrice s'avèrera fonctionner aussi pour la première stratégie (créative).

Pour atteindre le deuxième objectif, AXA a décidé de se positionner sur des méthodes "2.0" de communication pour y assoir une présence

Tactique

AXA a confié la campagne à une agence Buzzman (créateur de la pub Tipp-Ex "Shout the bear", de sa suite 2012 et de la pub Axe) validant ainsi l'hypothèse du deuxième objectif. Le deuxième partenaire sera Publicis, confirmant de nouveau une volonté de taper fort sur le Net

La campagne sera orchestrée sur des contenus qui doivent faire participer l'internaute et provoquer un buzz conformément à la "marque de fabrique" Buzzman. Ils l'ont basée sur un thème "La méthode Bernard", le fil rouge. Il s'agit du prénom d'un père de famille confronté à l'atteinte à l'e-réputation, à l'usurpation d'identité ou aux litiges suite à des achats en ligne.

Implémentation

Trois vidéos sont réalisées et publiées fin janvier sur le YouTube par Publicis. Dans la première, Juliette, la fille de Bertrand, voit des photos très compromettantes d'elles publiées sur le Web; dans la deuxième, sa femme se fait usurper son identité sur Internet. La troisième met la famille dans une situation inattendue au moment de partie en vacances achetée sur le Net

Pour créer le buzz, l'agence va proposer sur le site de la méthode Bertrand la possibilité de piéger ses amis en organisant la mise en ligne de faux contenu compromettant et invitant l'ami à consulter le moyen de se protéger ensuite. Ce site a été fermé rapidement sans explication (pour maintenance d'après l'agence Buzzman).

La création des site a été rendu publique par une campagne massive de communication sur les blogs et sites de marketing et d'assurance. Un encart de pub a été diffusé au moins sur Facebook (je n'ai pas eu de témoignage de gens l'ayant vu ailleurs).

AXA a accompagné la campagne d'une communication tous azimut sur les relevés de compte, des campagnes de phoning et d'emailing, des encarts sur ses nombreux sites institutionnels et par la formation de son réseau d'agents (cette dernière action étant la méthode normale pour tout produit). Le message aux agent d'assurance a été : pas de vente forcée, par d'incentives : se positionner sur le seul rôle de conseil.

L'étape suivante a été la diffusion à la télé d'un spot en renfortspot télé d'AXA.

Conclusion

Plusieurs idées se bousculent à l'analyse de cette campagne :

  • Le milieu de l'assurance se souvient qu'AXA n'a pu se débarrasser d'une attaque de son e-réputation par le site Jeboycottedirectassurance.com;
  • L'utilisation du buzz présente un risque d'effet négatif; peut-on dire qu'AXA en soit une illustration ?
  • Le choix d'un anti-héro comme Bernard est-il une fausse bonne idée ?
  • Le mécanisme de piéger les contacts a démontrer qu'il dépassait les limites de l'acceptable (et a été immédiatement fermé);
  • Le produit fonctionne-t-il vraiment puisque dans la majorité des cas, le diffuseur d'un contenu compromettant est la victime elle-même (auquel cas l'assurance ne peut jouer)?
  • La campagne n'est-elle pas démesurée pour un produit à si faible revenu ?

Incontestablement, par cette campagne, AXA lance le signal que nous entrons dans le domaine commun, la merchandisation et donc la banalisation des réseaux sociaux et de leur impact social. La société 2.0 prend passe de plus en plus du virtuel au concret.

Rappelons l'enjeu : chaque année, 210 000 usurpations d’identité sont commises et 120 000 fraudes à la carte bancaire ou vols sont constatés.